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I Voix des pôles et des antipodes

ABORIGÈNE

Ian Mudie1

Terre

La terre est notre feu, notre nourriture, notre beauté,
de la terre vient la matière de notre esprit ;
toutes les choses que nous aimons sont de la terre,
la terre nous façonne, de la terre
nous naissons, et de la terre
nous recevons le savoir.

Nous mangeons, et ce que nous mangeons est de la terre,
nous buvons, et la saveur du vin
est faite de terre.

N'est-il pas bon d'aimer
la terre que nous connaissons ? La vigne qui pousse
sous l'eucalyptus fait un vin d'une saveur
étrangère aux crus du nord.

La terre est ainsi notre sang ;
Allons-nous déformer notre esprit
comme s'il vivait d'une terre allogène ?
La terre dans notre sang.

Notre terre.
Cette terre.

Le héron bleu

Je ne suis pas le poète de la solidarité entre les hommes,
je ne chante pas la fraternité universelle
ni l'unité de toute l'humanité
d'un bout à l'autre du monde
-- je chante seulement la solitude,
la secrète solitude intime
que chacun serre heureux contre son cœur.

Je ne suis pas une grue brolga grégaire,
ni un étourneau ou moineau volant en essaim,
je suis seulement un inélégant héron bleu
qui maraude dans la vase au bord des étangs,
le long des barrages ombragés d'arbres,
ou pêche des pensées
dans des marécages où personne d'autre ne semble vivre,
si ce n'est mon reflet fantomatique froissé par les herbes.

Intrus

Quand je marche,
je ne sais pas
quel ancien sol sacré
mon pied profane peut-être
ou bien si mon pas me conduit
sur les lieux où un héros légendaire perdit son sang
ou versa le sang d'autrui
ou donna le feu à l'homme
dans le lointain temps du rêve.

Vénérables Anciens disparus
de la tribu morte il y a longtemps,
pardonnez
ma violation du tabou,
mon intrusion non cicatrisée ;
n'envoyez pas
un détachement de justiciers
hanter mes rêves.

Vous comprenez sûrement
que ma conscience
est déjà bien assez
contrite.

Julie Watson Nungarrayi2

Pardon

J'entrai en rampant.
L'endroit était étroit et sombre.
Les rochers me surplombaient comme des dents :
Dents essayant de mordre,
Dents pour la défense des peintures.

Je m'allongeai sur le dos.
La voûte était trop basse pour rester assise.
Les kangourous sautaient le long de la voûte,
Les serpents glissaient,
Les varans couraient,
Les émeus se pavanaient.

Je me demandai qui les avait mis là,
Qui les avait peints avec des pinceaux de bois mâché,
L'un rouge, l'autre blanc, l'un ocre, l'autre noir ?
Ils les ont mis là il y a longtemps...
Les anciens Nyiyapali,
Il y a longtemps ; à présent, c'est tout ce qu'il reste.

Disparus aussi ces fiers chasseurs, les femmes creusant la terre pour le mata.
Leur langue, leur danse et leur chant.
Tout ce qu'il reste d'un peuple à présent :
De petits animaux peints.

PARDON3 !

Roland Robinson4

Jarrangulli

Entend ce lézard chanter,
c'est Jarrangulli.
Il chante pour qu'il pleuve.
Il est dans un trou en haut de cet arbre.
Il veut que la pluie remplisse ce trou
et le couvre lui.
Cette eau lui durera jusqu'à
ce que passe la sécheresse.

Il fait sec quand il chante,
Jarrangulli.
Dès qu'il commence à chanter,
Jarrangulli,
il est sûr d'apporter la pluie.

Ce compère, c'est le vrai lézard de pluie.
Il est pareil aux cacatoès noirs,
ce sont les compères qu'il faut pour la pluie.

Son venin est mortel. C'est
Jarrangulli.
Il te mordra pour sûr.
Si tu grimpes à cet arbre et passe ta main
au-dessus de ce trou, il te mordra pour sûr.
Il est noir avec des raies blanches.
Jarrangulli.
Il chante pour qu'il pleuve.

L'enfant qui n'avait pas de père

Avant que l'homme blanc arrive avec ses moutons, les plaines étaient recouvertes de toutes sortes de fleurs.
Deux sœurs partaient marcher tous les matins parmi les fleurs, à la recherche de nourriture.
Au temps où ces sœurs marchaient parmi les fleurs, il n'y avait aucun homme
dans le monde entier.

Un soir, alors que l'une des sœurs marchait ainsi, elle vit une fleur et se baissa
pour la cueillir.

À l'intérieur, la fleur ressemblait au visage d'un enfant.
Elle prit deux morceaux d'écorce et posa la fleur, entre les deux, sous
un tronc à terre.

Elle n'y pensa plus et continua de marcher parmi les fleurs.
Le soir suivant, cette sœur retourna sur les lieux.
« Oh, cette fleur a de plus en plus le visage d'un enfant. »
Elle prit une fourrure d'opossum pour en envelopper la fleur, puis laissa celle-ci
à nouveau sous le tronc d'arbre.

Le soir suivant, quand cette sœur revint pour voir la fleur, elle trouva un bébé
qui dormait.

Elle découvrit que ses seins avaient du lait.
Et chaque soir, elle partait à travers les fleurs nourrir le bébé.
Sa sœur vit que ses seins étaient formés.
« Oh, tu dois avoir un bébé. »
« Oui. » « Où est-il ? »
« Là-bas parmi les fleurs. »
Les sœurs y allèrent et trouvèrent l'enfant, qu'elles emmenèrent dans leur grotte.

Cet enfant devint un homme intelligent et sage.
Ensuite, il monta au ciel.

Et chaque fois que j'entends les hommes blancs prêcher, cette histoire me revient à l'esprit.
Cet enfant, il était comme Jésus, il vint au monde sans père. Il fut
formé d'une fleur.

Cette femme toucha cette fleur.
Si elle n'avait pas cueilli cette fleur, cela n'aurait pu se produire.

Tru Paraha5

Connaissant parfaitement tout ce qui est sur terre

Alors, mon cœur d'argilite frappé par le marteau s'ouvrit en deux formant deux herminettes de pierre aux noms sacrés.
Libres, de ce canyon déchiqueté s'envolèrent des aigles et un faucon sauvage ; des tempêtes de sable ; des léviathans ; un papillon venu de quelque archaïque
forteresse.
Esclave de ma vocation

Je parlementai avec les dieux pour une vie, indiciblement sensuelle, dévoilai
mon anarchie nue en offrandes d'or et de printemps, banquetai dans la solitude.
Connaissant parfaitement tout ce qui est sur terre, je tends les graines interrogatrices d'un front plissé.
Laisse-moi étonner, stupéfier --d'abord, comme femme, puis entre dans ma splendide réserve de félicité.
Demande-moi n'importe quoi, demande-moi.

Je suis pure, parfaite, ignorance.
Je sais moins que rien.

AUSTRALIENNE

Rosemary Dobson6

Le tigre

Le tigre marche de long en large
Derrière les barreaux noirs de la page,
Il marche silencieusement sur des pieds furieux,
Son cœur brûle de rage.

Captif dans les lignes du type
Il cherche, et cependant ne peut jamais trouver,
Le monde où il était libre de parcourir :
Il est l'esprit furieux du poète.

Il était le monde à parcourir, qui
est maintenant captif de la page barrée de noir.
Lecteur, ouvre les lignes et affronte
Le splendide danger de sa rage !

Philip Hammial7

Pièges

L'article 12 interdit expressément de creuser des pièges dans les jardins publics. L'article 13, en contradiction apparente avec l'article 12, déclare que tous les pièges dans les jardins publics doivent être camouflés avec des feuilles de banian, les feuilles de chêne ne devant en aucun cas être utilisées à cette fin. L'article 14, en contradiction apparente avec 12 & 13, stipule que toute personne, sans exception, qui est tombée dans un piège couvert de feuilles de chêne dans n'importe quel jardin public au mois de mai est tenue d'assister à un banquet à l'hôtel de ville le 1er juin, un banquet présidé par le maire qui en cette occasion solennelle remettra les clés de la ville aux trappés de mai.

Dorothée Mackellar8

Une vieille chanson

La floraison des amandiers est passée, les fleurs des pommiers soufflent.
Je n'ai jamais aimé qu'un seul homme, et je ne le lui ai jamais dit.

Mes fleurs ne fructifieront jamais, mais j'ai gardé ma fierté -
Une petite chose froide et solitaire, et je n'ai rien à côté.

Le vent du printemps a attrapé mes rêves fleuris, ils ont légèrement soufflé.
Je n'ai jamais eu qu'un seul véritable amour, et il est mort hier.

INUITE ET SAME

Anonymes

Festins

L'oiseau a mangé le ver
Le renard a mangé l'oiseau
Le loup a mangé le renard
L'ours a mangé le loup
L'homme a mangé l'ours

Et le ver mangera l'homme
et tout va recommencer

Le jour mangera la nuit
La nuit mangera le jour.

Le corbeau

Je suis montée sur le rocher
Sur le rocher de Krartoudouk.
Comme un corbeau est ce rocher
Comme un corbeau posé sur le terre.
Derrière ce rocher j'ai vu les glaces
J'ai vu les glaces jusqu'au loin
Et je me suis assise sur ce rocher
Qui a l'air d'un corbeau.

Je tremble de joie

Le grand flux de l'océan me met en mouvement,
il me fait flotter.
Je flotte comme l'algue à la surface des eaux.
La voûte céleste m'agite
et l'air puissant agite mon esprit
et je me jette dans la poussière.
Je tremble de joie.

Qu'est-ce que je te promets ?

Qu'est-ce que je te promets ?
Des cieux brillants et clairs
C'est ce que je te promets.

Comment l'eau a commencé à jouer

L'eau voulait vivre,
elle alla voir le soleil
et revint en pleurant.

L'eau voulait vivre
Elle alla voir les arbres,
ils brûlèrent, ils pourrirent,
elle revint en pleurant.

L'eau voulait vivre
Elle alla vers les fleurs elles fanèrent,
elle revint en pleurant.

Jusqu'à n'avoir plus de larmes,
gisant au profond de toutes les choses
entièrement épuisée entièrement claire.

Au début des temps des Yupiks

Au début des temps il n'y avait pas de différence entre les hommes et les animaux. Toutes les créatures vivaient sur terre.
Un homme pouvait se transformer en animal s'il le désirait, et un animal pouvait devenir un être humain. Il n'y avait pas de différence. Les créatures étaient parfois des animaux et parfois des hommes.
Tout le monde parlait une même langue. En ce temps-là, les mots étaient magie et l'esprit possédait des pouvoirs mystérieux. Un mot prononcé au hasard pouvait avoir d'étranges conséquences. Il devenait brusquement vivant, et les désirs se réalisaient. Il suffisait de les exprimer.
On ne peut donner d'explication. C'était comme ça.

Kaga

Chant d'Anudadak

Je marchais au bord d'un lac
il y avait un renard qui grappillait des baies
il est venu vers moi, je lui ai pris la queue
et il m'a tiré jusqu'au sommet d'une montagne
ça soufflait un peu de l'intérieur
il y avait un petit vent.

Kibkarjuk

Et cependant il y a
une grande chose,
la seule grande chose :
Vivre pour voir dans nos huttes et nos voyages
le grand jour qui se lève
et la petite lumière qui remplit le monde.

Taiviti Naullaq

D'un chien à un homme

Petit homme tu ne sembles ni pressé ni anxieux.
lorsque nos routes se croisent
nous sommes tous deux heureux
à la vue du jour nouveau.

Petit homme, grand merci,
ton salut du matin me ravit.

Orpingalik

La terre était là...

La terre était là avant les hommes
Les tout premiers hommes sont sortis
De la terre
De la terre
Tout est sorti de la terre
Même le caribou

Un jour les enfants ont poussé
Hors de la terre
Tout comme les fleurs....

Pedar Jalvi9

Flocon de neige

Volant à travers l'air
doucement, tombant, des flocons,
sur les pierres, les bouleaux nains,
blancs, couvrant les terres, les contrées.

Le corps lui-même est si petit
quand il est face à des millions,
emplissant creux et touffes d'herbe
qui vite deviennent monceaux,
derrière les pierres, devient congère.

Et face aux rayons printaniers
fondent ces minces flocons,
devenant gouttes, clairs miroirs,
et ensemble devenant
torrents, fleuves, lacs, et mer ;
puissante, grande est leur unité.

Harriet Nordlund10

Âge

Mains âgées.
Joues de cuir.
Ton regard au loin.
Le temps
qui depuis longtemps a cessé de faire tic tac dans ta tête.
Les jours qui se sont envolés.
Le sourire quand tu regardes mon enfant jouer.
Ici tu as toi-même grandi.
Tu connais chaque pas.
La forêt est ton corps.
Histoires du passé.
Soudain tu es jeune de nouveau.
Je me rappelle comme tu marchais.
Ce que tu pouvais porter.
Il n'y avait qu'une chose :
le travail.
Nous ne savons pas quel est le mot.
Tu ressens la fatigue de nouveau.
Silence.
Tant de questions que j'aimerais te poser.
T'entendre dire tes pensées sur aujourd'hui.
Comment nous vivons ?
Que vois-tu ?
Je vois tes cheveux blancs.
Ton regard, si loin.

Moses Olsen11

Explication

Si tu penses me demander
pourquoi j'écris,
pourquoi je fais des chansons,
pourquoi j'écris des poèmes,
alors va à la grande rivière,
qui écume et s'agite
sur le flanc de la montagne,
penche ta tête vers l'eau
et demande-lui :
« Pourquoi jaillir éternellement ? »
Et l'eau te répondra ainsi :
« Monte sur le sommet de cette immense montagne ;
là-haut,
dans le calme et le silence éternel,
tu trouveras la source murmurante
dont je viens,
dont j'ai eau,
dont j'ai force et puissance.
Va et demande à cette source :
Pourquoi tu jaillis toujours, en murmurant ? »

Paulus Utsi12

Le mot

Chuchote vers le rocher
dans une cachette quelqu'un écoute
reçoit le mot
l'emporte
et l'accomplit

KANAKE ET MÉLANÉSIENNE

Mythe mélanésien de l'île de Vanuatu

Tout homme est tiraillé entre deux besoins.
Le besoin de la Pirogue, autrement dit du voyage, de l'arrachement à lui même,
et puis le besoin de l'Arbre, celui de l'enracinement, de l'identité.
Les hommes errent donc constamment entre ces deux besoins,
cédant tantôt à l'un tantôt à l'autre
jusqu'à ce qu'ils comprennent
que c'est avec l'Arbre que l'on fait la Pirogue.

Patricia Artigue13

SDF

Infortune serrée dans deux sacs en plastique,
Avec pour compagnon un vieux chien arthritique,
Il est assis par terre comme sur le bord du monde.
Payant cash, au prix cher, une vie vagabonde,
Il regarde passer sans espoir d'attention
Une foule distante frisant l'accusation.
Dans ses yeux fatigués trop de rêves éteints
Mais tant de souvenirs et tant de beaux matins :
Un rafiot navigant, seul, au cœur d'un cyclone,
Remontée à la rame d'un bout de l'Amazone.
Évoquant, nostalgique, des Andes la Cordillère,
Il s'imagine grimpant le Marché aux Sorcières,
Puis sillonne, ébloui, le lac Titicaca
Et se revoit marcher cette fille à son bras...
Le plus pauvre, au final, n'est pas celui qu'on croit,
Celui qui apitoie, que vous montrez du doigt,
Que, gênés, vous pensez que la vermine ronge...
Qu'ils sont rares, les passants, riches d'autant de songes !

Union des jeunes oubliés...

Union des jeunes oubliés
Il y a deux armures
Le ghetto, la tribu
Il y a deux armes
La haine
Le respect
Une fatalité
Le combat.

Paul Wamo14

Je viens de là

Je suis chef du clan des guerriers vulnérables
on raconte que mon île était un petit caillou
un petit caillou qui surgit de la mer et fut séché par le soleil
et plus le soleil chauffait le caillou et plus le caillou grossissait
je viens d'un petit caillou séché par le soleil
je viens d'un océan pacifique le plus grand et le plus oublié du monde
je viens de plus loin que moi-même et d'encore plus loin que moi-même je viens du ventre de ma mère moi noir de ma propre nuit
En sortant du ventre de ma mère j'ai élevé le premier cri
en élevant le premier cri j'ai poussé mes larmes neuves
et en poussant mes larmes neuves je me suis mis à marcher
et quand je me suis mis à marcher je suis arrivé jusqu'ici

je viens d'hier et d'hier
je suis là maintenant bien plus loin que moi-même
je suis à présent et je me tiens devant vous
et dans mon panier de parole il y a ma voix et ma bouche
et de ma voix et ma bouche
je demande la parole je demande la parole
Alors voici mes mots que tu peux prendre
que tu peux manger que tu peux même jeter à la poubelle
et c'est tout ce que je peux faire
et le temps ne nous attend pas
la mort vient sans que nos yeux n'aient pu la voir venir

J'écris parce qu'écrire pour moi c'est tout donner
ce n'est pas un poème ce n'est pas un poème que je récite là
c'est un soleil qui se couche c'est une nuit qui déborde
des territoires tremblants qui sortent de mon ventre
des ambulances des marches en désordre
c'est une trace qui s'accroche pour toutes celles qui s'effacent
ce sont des serpillières pour des sols qu'on a souillés jusqu'à terre
c'est une histoire d'amour plus grande que l'amour
et ça vient comme ça arrive ça vient comme ça arrive
ça vient comme ça doit être plus fort que tout ou rien

Chérie ô chérie donne-moi juste le temps de retrouver le feu
ne jamais se dire que ça ne sert plus à rien
suivre demain et après-demain et après et après-demain
comme un fou qui aime le jour comme un fou qui croit toujours
le pouvoir de changer les choses commence par un petit pas
le pouvoir de changer les choses commence par changer soi
et même si le temps est long jusque-là
le soleil lui se lèvera toujours toujours.

NÉO-ZÉLANDAISE

anonyme

Eté 67

L'été fait ressortir les filles dans leurs robes vertes
Que les insensés pourraient comparer à des jonquilles,
Ne voyant pas comment une grand-mère morte en chacune gouverne ses membres,
Assombrissant la corolle brillante, utilisant ses lèvres pour parler,
Ou qu'un couple d'argent a été tissé à partir
Des racines de l'herbe de lance humide.
Les jeunes sont maîtrisés par les morts,
Manquant de ruse. Mais sur les plages, sous le vent pur
Qui souffle par ici depuis les montagnes du Pérou,
Ivre du vent et du silence, ne bougeant pas d'un pouce
Tandis que les surfeurs montent sur des vagues attelées,
On peut commencer à trembler de rire,
Devenir soi-même un métal Neptune.
Ne rien vouloir c'est
La seule liberté possible. Mais je préfère penser à
Un après-midi passé à boire du rhum et des clous de girofle
Dans un petit bar, juste après le début de la pluie, dans un autre temps
Avant de commencer à mourir - le goût de l'ennui sur la langue
Se dissout facilement et les lumières s'allument -
En quelle compagnie ? J'oublie.
Où pouvons-nous trouver les bonnes
Herbes, les boissons, pansements pour couvrir
Ces blessures intolérables à vie ?
Herbes de l'oubli, elles ont perdu le pouvoir de nous aider
Le jour où Aphrodite a posé sa bouche sur la nôtre.

Jacqueline Cecilia Sturm15

Chanson de Printemps

Oh certainement ce fut une belle journée
si belle que je suis allée marcher sur des pierres rieuses
qui s'esclaffaient toutes de ma cervelle d'horloge à aiguilles
tournant tournant autour d'un but toujours absent
et voué à n'être jamais, rien qu'un tic-tac.

Passant près d'un joyeux juge-arbre, je fus jugée,
condamnée et pendue avec les plus grains soins par une
brindille insouciante avec un bourgeon autour de ma nuque, équarrie 
par un rayon de soleil et chantée par une grive
à la gorge torrentielle, sans tic-tac.

Cela jusqu'à ce qu'un vent vert m'emporte glacée
dans la tombe d'une jonquille pour y enterrer mon hiver ;
roulée dans un lit de terre sous une couverture
de soleil, j'étais heureuse de croître comme les choux
croissent, ne sachant rien des tic-tacs, non16.

Hone Tuwhare17

Pluie

Pluie,
Je peux t'entendre faire des petits trous dans le silence
Pluie
Si j'étais sourd, les pores de ma peau s'ouvriraient à toi et se fermeraient et je te reconnaîtrais à ton léchage
Si j'étais aveugle, à ton odeur si particulière quand le soleil cuit le sol
au stable bruit de roulement de tambour que tu produis quand le vent tombe
Mais si je ne devais ni t'entendre, ni te sentir, ni te ressentir ou te voir
toujours tu me définirais 
tu me disperserais tu me laverais18

POLYNÉSIENNE

anonyme

Chants des Airoï

Veillez, veillez, ô Dieux ! Veille, ô Taaroa !... mais que le Dieu des maléfices dorme la nuit !
Qu'il dorme le jour !
Du Levant et du Couchant nous arrivons vers toi.
Lève-toi ! ce sont les Dieux qui t'éveillent, lève-toi, ô lève-toi, ô Déesse ! lève-toi, ô Roi !
Voici l'étoile Feinui qui brille dans le ciel ! voici les insectes qui chantent dans l'herbe.
Lève-toi ! tes amis, tes compagnons t'appellent...
La Lune brille dans le ciel ; elle répand sa lumière sur la terre comme une torche placée par les Dieux pour éclairer la couche nuptiale ;
La Lune brille dans le ciel ; elle répand sa lumière sur la terre comme une torche placée par les Dieux pour éclairer le festin ;
La Lune brille dans le ciel...
Un diadème au front, elle nous offre un abri dans la maison des Dieux, dans la maison des Dieux...

Heipua Teariki Bordes19

Câlins

La reine de la nuit est pleine
C'est la nuit des câlins pour les amoureux
La nuit de l'amour qui lie
Les corps oints de mono'i,
Les mains glissent doucement
Le parfum de leurs couronnes les enveloppe
La douce voix de l'amour fait écho
Se cabrer, se lever et vibrer...

Leurs âmes unies s'inclinent avec respect
Bruits voluptueux de la jeunesse...
Gouttes d'amour perlées...

Les corps des jeunes gens se refroidissent
Leurs esprits s'envolent vers le firmament...
Deux sternes blanches à l'air confiant vol
Vers le dôme étoilé de Rūmia...

Sommeil des dieux
Au dixième ciel, le Ciel de Tane
Leurs âmes enchantées s'immergent dans la Voie Lactée
Doux séjour dans la demeure de Tāne
Hommage à l'Univers de Tāne... * *
* *

Bobby Holcomb20

Ancêtre

La mer est là. Chacun peut y pêcher
La terre est là Chacun peut la cultiver
Ma'ohi tu ne Mourras jamais de faim.
Ancêtre, ancêtre, ê
Dans les îles tes enfants préservent ton mode de vie.
Mais hélas nous vivons une époque nouvelle
L'époque de la facilité
Où la parole peut tout réaliser
Mais cela n'est qu'apparence
Ma'ohi tu es pris au piège.
Ancêtre, ancêtre,
Ne t'inquiète pas tes enfants respecteront ton oeuvre.
Mais...
Où est le temps de l'abondance
Et des bienfaits que nous donnait la nature
Tout périt peu à peu.
Ancêtre, ancêtre,
Il semble que, lentement
La nature veuille reprendre tous ses dons.


  1. Ian Mudie : 1911 - 1976 

  2. Julie Watson Nungarrayi : 1959 - 2016 

  3. Trad Florent Boucharel 

  4. Roland Robinson : 1912 - 1992 

  5. Tru Paraha : Vers 1995 - 

  6. Rosemary Dobson : 1920 - 2012 

  7. Philip Hammial : 1937 - 

  8. Dorothée Mackellar : 1886 - 1968 

  9. Pedar Jalvi : 1888 - 1916 

  10. Harriet Nordlund : 1954 - 2023 

  11. Moses Olsen : 1938 - 2008 

  12. Paulus Utsi : 1918 - 1975 

  13. Patricia Artigue : 1953 - 

  14. Paul Wamo : 1981 - 

  15. Jacqueline Cecilia Sturm : 1927 - 2009 

  16. trad de l'anglais E.Dupas 

  17. Hone Tuwhare : 1922 - 2008 

  18. Trad (anglais) E Dupas 

  19. Heipua Teariki Bordes : 1948 - 

  20. Bobby Holcomb : 1944 - 1991